Écran d'épingles

Technique rare, l’écran d’épingles est un tableau composé de milliers d’épingles. La manipulation de l’écran permet de jouer avec les ombres des épingles pour créer des images.

Alexandre Alexeïeff et Claire Parker inventèrent au début des années 1930 un outil appelé l’écran d’épingles. Il s’agit d’un panneau rectangulaire rempli de milliers d’épingles de 5 à 8 mm de longueur. Chaque épingle est glissée dans un tube contenant un corps gras. Le cadre est éclairé de façon oblique et la caméra est posée en face. L’écran d’épingles s’utilise en poussant les épingles vers l’extérieur des tubes, chaque épingle crée ainsi une ombre. Lorsque les épingles sont rentrées dans les tubes, la surface apparaît blanche et lorsque les épingles sont sorties, les ombres projetées permettent de créer des surfaces noires et grises. Le fait d’utiliser plusieurs outils sur l’écran permet de réaliser des effets de volumes et de reliefs. Le résultat est très proche de la gravure : il joue sur des nuances de gris et crée des atmosphères brumeuses grâce aux ombres portées des épingles sur l’écran qui créent des effets de textures très contrastés dans des teintes allant du blanc au noir. Il est intéressant de constater que Alexandre Alexeïeff considère que seul le cinéma d’animation permet d’atteindre une qualité artistique comparable aux chefs-d’œuvre des arts anciens, le mieux à même d’éveiller l’imagination et la sensibilité des publics par la maîtrise totale de l’image, du mouvement et de la bande-son.

On photographie image par image l'évolution du dessin grâce à une caméra disposée devant l’écran d’épingles. Quand une image est créée avec les épingles sur l’écran, elle est enregistrée puis modifiée pour laisser place à la suivante. À propos de la charnière entre l’animation plane et celle en volume, Alexandre Alexeieff précise en 1973 dans le documentaire de Norman McLaren que l’on ne peut pas « dessiner sur l’écran d’épingles », mais seulement « peindre en exerçant de la pression », non pas « tracer » mais « modeler ».

Plusieurs modèles ont été conçus. Le premier écran breveté en 1935 et créé par le couple Alexeïeff-Parker comptait 500 000 épingles. Ils ont ensuite créé un écran de plus d’un million d’épingles, le NEC (Nouvel Écran) acquis par l’ONF en 1972. Claire Parker et Alexandre Alexeieff travaillent la technique en binôme : l’un au recto et l’autre au verso de l’écran.

Le CNC acquiert en 2012 l’Épinette, un écran de 270 000 épingles, le fait remettre en état par Jacques Drouin. Michèle Lemieux forme en juin 2015 à Annecy huit animateur.trice.s français à cette technique. L'une de ces cinéastes, Céline Devaux utilise l’écran d’épingles pour plusieurs séquences de son film Gros chagrin, primé à la Mostra de Venise en 2017 (meilleur court métrage). Le court métrage de Justine Vuylsteker, Étreintes, est entièrement conçu avec l’écran d’épingles. Le CNC encourage d'autres réalisateurs et réalisatrices qui ont participés à cette résidence à développer des projets employant cette technique. Aujourd'hui Alexandre Noyer construits des écrans d'épingles de 100 000 épingles.

Ressources

Films

Ressources bibliographiques

  • Dominique WILLOUGHBY - Écrits et entretiens sur l'art et l'animation (1926-1981), Texte établi, présenté et annoté par Dominique Willoughby, Première édition, critique des textes et entretiens d’Alexandre Alexeïeff, Paris, PUV, 2014
  • (Coll), Préface Svetlana Alexeïeff-Rockwell, Alexeieff Parker, Montreurs d’ombres, Annecy, Les éditions de l’œil, 2015
  • Giannalberto BENDAZZI, Alexeïeff : Itinéraire d’un maître, Paris, Dreamland, 2001